Qui n’a jamais ressenti une sensation de bien-être après avoir rangé un placard, une pièce ou sa maison ?

Qu’on se le dise, une maison bien rangée est plus agréable à vivre qu’un espace en désordre. En mettant de l’ordre chez soi, on s’offre en parallèle un rangement à l’intérieur de soi. Un sentiment de bien-être envahit corps et esprit. On peut mieux penser, mieux interagir, se reposer …

Désemcombrer sa maison, c’est encore autre chose. C’est essentiel pour s’accorder et se concentrer sur ce qui compte vraiment dans la vie. Une accumulation d’objets prive la personne d’une action claire et crée une obstruction de l’esprit. Désencombrer sa maison ne signifie pas vouloir vivre de façon minimaliste mais c’est s’offrir une liberté de circulation et de pensée. Un environnement surchargé est un environnement toxique pour le corps et le psychisme.

Quoi qu’il en soit, nous n’avons pas tous le même seuil de tolérance face au désordre.

Il est fort probable que le rangement soit inné chez certains d’entre vous. Et je ne peux que vous en féliciter. Il est possible aussi qu’à peine le mot prononcé, ça vienne éveiller en vous vos pires cauchemars. L’idée même de trier un tiroir vous submerge ?

Cet article est fait pour vous.

Revenons un instant sur l’évolution des modes de consommation. La vie facétieuse a mis sur votre chemin une ribambelle d’objets qui vient à chaque instant chatouiller vos envies : le beaux, le pratique, le bon marché, l’esthétique, le précieux, le sacré, le ludique, l’inutile, le futile, le fonctionnel, celui faisant l’objet d’un caprice … Certains vous procurent de la joie, d’autres vous rappellent un délicieux souvenir. Quelques-uns vous ont été légués par la Tante Rose ou offert par la copine de votre mère lorsque vous étiez étudiant(e) lors de votre installation dans votre premier studio. Aujourd’hui une grande partie de ces objets ne sont en fait que des nids à poussière qui encombrent vos placards et vos étagères.

Bref, vous n’avez pas le cœur de vous en débarrasser alors que leur inutilité a maintes fois été prouvée. Certaines affaires résistent et résistent encore à l’appel de la « poubelle ». Que se passe-t-il réellement dans votre for intérieur ?

Une petite voix vous dit : « Le jour où j’en aurai besoin, je pourrais l’utiliser », « si la tante Rose l’apprend, elle me répudiera » ou encore « il est là depuis 20 ans, il peut bien rester 20 ans de plus », « un jour je trierai cette montagne de documents par ordre alphabétique et chronologique pour faire l’histoire de ma vie».

Vous vous reconnaitrez peut-être dans ces hypothétiques « si ». Que vous puissiez en avoir besoin à un moment ou à un autre de votre existence alors qu’ils ne vous ont pas été utiles depuis un certain nombre d’années, j’en doute. Être indigne de l’affection de la Tante Rose, sous prétexte que vous vous êtes débarrassés de son horrible vase rose ? Une fois encore ce n’est pas l’objet qui fait l’affection que vous portez à Tante Rose ou que Tante Rose vous retourne. Il sera toujours temps de lui expliquer simplement les raisons qui vous ont poussées à vous en séparer. J’appelle cela des « objets transitionnels ».

Selon le psychanalyste Winnicott, l’objet transitionnel a un rôle d’aide à l’acceptation de la frustration chez l’enfant, il en est un outil, comme peut l’être le fantasme qui procède lui aussi à un apaisement de l’angoisse due à l’illusion.

Finalement, derrière eux se cache une peur du vide, de voir ces objets vous échapper, et votre histoire avec. Ces objets vous offrent un espace transitionnel, qui permet d’apaiser l’angoisse, de surmonter l’absence d’une personne, etc …

Parmi les personnes vivant dans un environnement surchargé que j’accompagne, j’ai pu faire le constat que :

  • 80% d’entre elles ont une idée approximative de ce qui jalonne leur intérieur. Lorsque certains objets réapparaissent, c’est à peine si elles se souviennent de leur existence, et pourtant elles leur trouvent une excuse pour les conserver coute que coute. En parallèle je constate que ces personnes vivent dans l’alternance de périodes d’angoisse, et le sentiment d’être dépassés. Elles ont du mal à faire face aux évènements. Et parfois c’est l’estime de soi qui est mise à rude épreuve.
  • L’idée de se débarrasser d’objet familiaux nécessite une mobilisation démesurée. Il se joue corporellement et psychiquement des enjeux qui viennent bouleverser leur loyauté familiale. Restant enfermés dans leurs souvenirs, elles ne s’autorisent pas à profiter du présent et à envisager l’avenir. Cela soulève la question suivante : comment rester fidèle à son passé sans en être encombré dans son présent ? Nous travaillons ensemble sur le rapport qu’elles entretiennent avec l’objet.
  • Ressurgissent également des manques liés à l’éducation ou à la vie passée, parfois même à l’enfance.

Afin d’aborder sereinement le désencombrement d’un espace, je conseille préalablement de rassembler les objets par items afin d’évaluer l’ensemble de ce qu’il y a à trier : tous les verres ensemble, les vêtements par genre dispersés dans toute la maison, tout le linge de maison, toutes les huiles essentielles, etc. Commencez petit. Passez chaque jour 10 à 15 minutes. Procéder par catégorie permet de ne pas se sentir noyé dans une masse d’objets à trier et de bien identifier ce que vous possédez. L’idée n’est pas de s’écœurer du rangement avant même d’avoir commencé.

La deuxième étape est de vous mettre en relation avec les objets : les tenir un à un, évaluer leur consistance en les touchant, sentir le lien qui vous unit à eux. Mettez-vous à l’écoute de ce que ce lien vous procure. Si c’est un vêtement, essayez-le. Voyez s’il vous va, si la forme et le style vous conviennent encore … Si votre garde de robe déborde, introduisez la question « depuis combien de temps je ne l’ai pas porté ? ». Si vous souhaitez vous offrir un temps de réflexion, donnez-lui un sursis de quelques semaines pour évaluer si vous le porterez. Lors de votre prochaine session rangement, si le vêtement n’a toujours pas été porté, séparez-vous-en.

Lors de cette relation sensorielle avec l’objet, il peut ne rien se passer, l’objet ne vous procure aucune sensation, aucun sentiment. Dans ce cas-là, il n’y a pas de doute, débarrassez- vous de l’objet.

Si vous sentez au contraire qu’il fait écho à quelque chose de précieux à vos yeux, si cet objet vous fait vibrer, alors conservez le, et trouvez-lui une place qui lui donnera une vraie valeur. Chaque objet conservé doit être visible et accessible. Exit les objets futiles cachés au fonds du placard

Ainsi vous évaluerez le rôle de tous les objets qui embellissent ou encombrent votre intérieur, et par extension votre intériorité, et de leur réel impact sur votre quotidien. Soyez observateur, réfléchissez à la manière dont vous vivez et adaptez vos choix. Et surtout soyez sans pitié.

En tout état de cause, s’attaquer à un désencombrement de maison nécessite de la patience. Si vous constatez que vous n’y arrivez pas seul, faites appel à un spécialiste.

Que faire des objets dont on se débarrasse ?

Nous vivons dans un monde matériel et nul n’ignore que notre mode de vie consumériste épuise notre planète. Se débarrasser ne signifie pas jeter sans conscience. Aujourd’hui nombre de boutiques de recyclage (les ressourceries) et d’up cycling (valorisation des déchets autour de projets créatifs) fleurissent dans nos villes. Regardez autour de chez vous, et proposez également vos objets aux associations caritatives. Une autre alternative est de les mettre à la vente sur des sites dédiés aux particuliers ou dans des dépôts-ventes.

Nous ne changeons pas parce que notre maison change, notre maison change parce que nous changeons notre relation à elle et aux choses qui l’habillent.

La perception que l’on a d’elle agit comme un placebo et un nocebo. Quelqu’un qui néglige sa maison n’aura pas l’envie d’y rester. Il la fuira. Quelqu’un qui au contraire sait la rendre accueillante, sécurisante et jolie, tendra à être réconforté et vivra cela comme un véritable soin personnel.

La dimension du Care est tout à fait applicable dans cette relation privilégiée qu’on entretien avec la demeure. Soigner sa maison, c’est se soigner soi-même et se rendre actif dans son propre processus de transformation. Ranger et trier c’est engager un dialogue intérieur. Notre maison est ce que nous voulons qu’elle soit.

J’aimerai conclure sur la magnifique phrase de Patrick Estrade, « La maison et l’homme vivent dans une interaction quasi charnelle ».

Publications similaires