Pour ce nouvel épisode de « Dans l’œil de Yoko », nous nous intéressons aux espaces d’intimité de la maison que sont les chambres. Des espaces clos où la perméabilité est limitée.
Nous irons visiter les différentes chambres de la maison tant dans leur symbolique que dans leur représentation familiale : la chambre parentale -ou le summum de l’intimité- sera évoquée dans cette première partie. Puis celle des enfants -ou le déploiement de la créativité- et enfin celle que l’on réserve aux visiteurs ponctuels et qui par ailleurs est un indicateur social : la chambre d’amis.
Le summum de l’intimité : entre grotte et énergie du vivant
Commençons notre visite par la chambre parentale. Anatomiquement elle trouve une correspondance avec le bassin comme assise du couple et les organes génitaux. Il y a dans le bassin un réflexe particulièrement archaïque, primitif voire instinctif. Tout comme l’appropriation de la chambre parentale pour le couple dans sa relation.
Anatomie de la chambre parentale
Le bassin a ceci d’identique avec la chambre parentale, qu’il représente symboliquement la sécurité. Si celui-ci est bloqué, qu’il ne peut et ne veut plus bouger, c’est l’ensemble du corps qu’il immobilise. Il en va de même pour la chambre. Une chambre où rien ne se passe, met en danger le couple qu’il abrite.
Le bassin connecte les jambes avec le reste du corps. Tout comme le couple donne le la et le rythme à la maisonnée. Dans l’infiniment grand comme dans l’infiniment petit, ce duo va de l’avant et nourrit la famille d’amour et de sécurité.
Le bassin est chargé en énergies sexuelles. Il est un lieu de plaisir, comme l’est la chambre parentale. Et paradoxalement, il est également le lieu de l’égo. Derrière la porte sacrée, se joue le pouvoir que l’homme ou la femme peut avoir sur son/ sa conjoint(e). Les forces sont-elles équilibrées ? Un dysfonctionnement peut affecter durablement le comportement et l’articulation de la famille complète.
Dans la chambre se cache le désir comme nous l’avons évoqué précédemment, l’envie, et parfois la crainte. L’envie de s’unir et la crainte de ne pas y arriver. Les fantasmes tus et les corps qui se rencontrent, qui dialoguent et entreprennent une danse sacrée. C’est un lieu émotionnel fort.
J’ai été appelé une fois pour la rénovation d’une suite parentale pour un couple qui venait de s’installer dans leur premier appartement. Il s’agissait d’une seconde union. L’espace à rénover situé en mezzanine était distribué entre un patio, une chambre avec une généreuse terrasse, et une salle de bain. Je les sentais heureux et investis dans l’aménagement rapide de leur nouvel espace de vie. D’ailleurs la mise en place du projet décoratif prit très peu de temps à être validé. Ils avaient prévu d’entreprendre eux-mêmes les travaux. Ils ont rapidement rénové la salle de bain, aménagé la terrasse et le patio, mais sont restés bloqués quelques temps sur la chambre. La situation n’arrivait pas à se dénouer. Ils revenaient souvent vers moi, doutaient, s’éparpillaient. Le projet n’avançait plus. Pourtant le projet leur plaisait. J’ai finalement évoqué avec ma cliente le fait que je la sentais anxieuse . Elle mettait trop d’intention dans ce projet précisément là où elle avait besoin de lâcher-prise. Ce qui avait pour conséquence de lui faire perdre le fil ainsi qu’à son compagnon. Sa volonté de construire sa nouvelle vie de couple sur un sans-faute, l’amenait dans une impasse décorative. La peur de se tromper ? A la suite de cette prise de conscience , ils ont repris les propositions validées et les ont mis en place une à une. Le reste de l’appartement n’avait posé quant à lui aucun problème.
Le bassin abrite les appareils génitaux avec ses envies d’enfanter ou ses problèmes de stérilité. Envie de donner la vie, au sens propre comme au figuré : donner la vie à des idées, à des projets.
Cet espace est à la fois un temple pour l’intimité et un refuge dans lequel on peut échapper au stress de la vie quotidienne et se détendre. Elle est le reflet de l’état et des besoins émotionnels, psychologiques et physiologiques du couple. Elle abrite l’intimité, la tranquillité et la vie privée.
Elle se doit d’être dans un parfait équilibre. Parce que d’un côté, elle offre le repos nécessaire au corps et à l’esprit dont ils ont besoin, un espace de repli sur soi. Et de l’autre, elle est un lieu alchimique puissant. Il faut donc veiller à un balancement délicat entre ces deux pôles pour générer la cohésion du couple.
Alors qu’une décoration trop douce et éteinte pourrait désactiver l’ardeur attendue, une ambiance trop vive et colorée empêcherait le repos et épuiserait ses occupants y compris au niveau relationnel. D’où l’importance d’un parfait équilibre entre les éléments.
Je me souviens d’une visite-conseil chez un client qui venait de divorcer. Sa chambre revêtait une tomette ancienne au sol, arborait aux fenêtres de magnifiques rideaux tissés rouges, un fauteuil ancien retapissé dans un rouge sanguin, des coussins aux teintes énergisantes. Il voulait changer l’ambiance de sa chambre qui était le symbole des relations électriques qui l’avaient conduit à se séparer de son épouse. De plus il y dormait mal. Chevets et lampes étaient déparayés dans leur style. La perception que j’ai eu de cette pièce dès mon entrée, était une impossibilité de se déposer dans un tel espace, et ce malgré le choix soigné de matériaux et du mobilier. Nous avons commencé par atténuer le rouge de l’espace en plaçant un tapis clair au sol . Des propositions aux tonalités plus douces et propices au repos ont été faites tant dans les peintures que dans les textiles, ou le choix de volutes sur du papier peint . Nous avons également joué avec les paires. Mais avant tout, nous avons ôté tout ce qui pouvait rappeler l’enfermement qu’il avait vécu dans son couple en atténuant la linéarité portée à son comble.
Encore une pièce qui joue avec nos sens. L’utilisation de textures agréables, le jeu de parfums relaxants et légers, l’association de couleurs à la fois chaudes et froides permettront tour à tour de favoriser le sommeil lorsqu’il est nécessaire ou de générer l’activité motrice du couple. J’invite toujours à privilégier le chiffre 2 tant dans le mobilier que l’éclairage : tables et lampe de chevet doivent refléter l’esprit « couple ».
Attention également à ne pas offrir de distractions visuelles telles que des photos de famille ou des dessins d’enfants qui pourrait diluer la relation. Elles se doivent d’être à l’extérieur du temple. Les limites de l’intimité sont parfois floues. Lorsque le câlin du matin avec les enfants se transforme en conquête de l’espace sacré par l’enfant -qui viendrait dormir dans le lit chaque nuit- le cocon perd son énergie duale nécessaire à l’équilibre parental.
Vous l’aurez compris, la chambre parentale doit être équilibrée et consacrée uniquement au couple.
Dans le prochaine épisode , nous nous intéresserons à la chambre d’enfants.