A travers notre déambulation dans les différentes pièces de la maison, vous avez pu percevoir la maison comme un miroir de notre intériorité, un reflet de nos pensées à un instant T, de nos émotions, de notre état d’esprit et même de notre corps, un corps vivant, sensible, éprouvé. En habitat conscient, la cave et le grenier occupent des places particulièrement intéressantes. Elles sont situées aux extrémités opposées d’une maison. Ces espaces cachés, souvent négligés, représentent pourtant des aspects profonds et significatifs de notre être intérieur.

La cave, une histoire singulière : entre refuges et lieux de stockage

Commençons par retracer l’histoire de la cave pour saisir à quels besoins elle répondait. Comment celle-ci a intégré l’habitat moderne ?

Dès la préhistoire, les espaces souterrains sont utilisées comme habitations, lieux de culte, ou de sépulture. Les grottes offrent naturellement une protection contre les prédateurs et les intempéries.

A partir de l’Antiquité, des civilisations avancées comme les Égyptiens, les Mésopotamiens et les Grecs utilisent des structures souterraines pour diverses raisons : des tombes pharaoniques creusées dans des collines ou des montagnes, comme celles de la Vallée des Rois pour les Egyptiens. Des catacombes servant de lieux de sépulture et de refuge pour la Rome et la Grèce Antique.

C’est au Moyen Âge que les caves jouent un rôle essentiel dans les châteaux et les fortifications. Elles servent principalement d’espace de stockage pour la nourriture, le vin, et les armes, assurant ainsi une certaine autonomie en cas de siège. Elles abritent en temps de guerre des prisonniers ou sont le refuge idéal pour les activités clandestines. Les monastères et abbayes médiévales quant à elles y engrangent des produits alimentaires, comme le vin, la bière, et les fromages, mais y conservent aussi manuscrits et objets sacrés. Les caves monastiques se transforment peu à peu en espaces de tranquillité et de méditation.

Avec l’essor du commerce du vin au cours de la Renaissance, les caves deviennent plus sophistiquées. Les techniques de construction évoluent pour mieux contrôler la température et l’humidité, essentielles pour la conservation du vin. En France, par exemple, les caves de la région bordelaise et de la Bourgogne sont célèbres pour leur fonction de stockage efficace.

À partir du XVIIe siècle, les maisons bourgeoises européennes incluent des caves domestiques pour entreposer la nourriture et les boissons. Souvent accessibles depuis l’intérieur de la maison, elles demeurent cruciales pour la conservation des aliments avant l’invention de la réfrigération.

Au cours des deux guerres mondiales, les caves retrouvent leur rôle préhistorique : abriter et créer des refuges de protection, notamment lors des attaques aériennes.

C’est dans le monde contemporain que les caves diversifient leurs usages. Outre la conservation de vin et de nourriture, elles servent aujourd’hui de buanderies, de salles de sport, de bureaux, de salles de jeux, et même d’espaces de vie supplémentaires dédié au bricolage ou à la création de petits ateliers.

Avec l’urbanisation croissante, les caves sont devenues des espaces précieux et polyvalents dans les habitations modernes. Le developpement des souplex dans les zones urbaines denses en sont autant d’exemples : exploiter chaque m2 à des fins d’habitation. Pourtant il n’est pas donné à chacun de se sentir bien dans ces espaces privés de lumière et de ventilation naturelle.

Au-delà de leurs fonctions pratiques, elles ont toujours eu une dimension symbolique et psychologique ambiguë. Souvent perçues comme des lieux de mystère, elles abritent l’inconscient et ses refoulements tant dans les contes de fées que dans les œuvres littéraires et artistiques.

Elles sont le lieu de prédilection des histoires d’horreur et de suspense dans la culture populaire, incarnant les peurs cachées et les secrets enfouis,

La Cave : entre non-dits et ombres intérieures

Si la cave, située sous la maison, évoque les recoins les plus sombres de notre psyché, elle évoque surtout les non-dits, les émotions négatives, les secrets et les aspects de nous-mêmes que nous préférons ignorer ou réprimer. S’y enfouissent les souvenirs douloureux et les expériences traumatisantes. Les objets entreposés représentent des éléments du passé que nous préférons parfois ne pas affronter.

Dans certaines cultures, la cave souterraine se mêle aux mythes de descente aux enfers ou de confrontation avec des monstres ou des démons. Ces récits nous offrent des voyages initiatiques où les héros doivent affronter leurs peurs les plus profondes pour en ressortir transformés. Elle s’offre comme le lieu de la mort (symbolique ou littérale) et la possibilité d’une renaissance, laissant la porte ouverte à la possibilité d’une transition où quelque chose doit mourir pour permettre une nouvelle vie ou un nouveau commencement.

Anatomie d’un cave

Sur le plan physiologique, je comparerai la cave au gros intestin : organe crucial pour l’élimination des déchets du corps. Il est aussi le siège de nombreuses émotions réprimées.

Si la cave danse avec l’inconscient et les processus automatiques du cerveau qui fonctionnent en arrière-plan, l’analogie avec le gros intestin est ici pertinente. Tout comme cet organe traite les déchets physiques, notre inconscient traite les « déchets » émotionnels et mentaux. Un espace de cave désordonné ou encombré serait-il une indication d’une accumulation de ces émotions non traitées et de ces pensées refoulées ? Celle-ci peut être vue également comme un espace où se manifestent nos tensions corporelles et nos blocages émotionnels.

Je ne peux pas m’empêcher d’aller plus loin en faisant un lien également avec la psychologie des rêves :  la cave comme symbole de l’inconscient peut signaler la nécessité d’explorer des sentiments refoulés ou des aspects de soi-même ignorés. Et en lien direct avec sa situation dans la maison, elle est attachée au rapport intime à la mère.

Symbolisme et psychologie

Dans certaines approches symboliques et analytiques, les archétypes parentaux et les éléments naturels sont utilisés pour représenter des aspects profonds de l’inconscient et des dynamiques psychologiques.

Par exemple la mère, associée à la terre, invoque la sécurité, la nutrition, la stabilité, et l’inconscient. La terre est vue comme le lieu d’ancrage, de soutien et de croissance, mais aussi comme le domaine des aspects cachés et souterrains de la psyché.

Par ce prisme symbolique, je garde à l’esprit lorsque je visite une cave qu’elle a une histoire à décrypter et les pistes de réflexion sont aussi diverses que nombreuses.

Comme mentionné précédemment, elle peut être le lieu où sont enfouis des aspects inconscients ou réprimés de la psyché. Cet espace souterrain et sombre contient des souvenirs, des émotions ou des instincts que l’on n’a pas encore affrontés ou intégrés.

En tant qu’élément de la terre, elle peut aussi s’apparenter à un lieu de refuge et de protection. C’est un espace où l’on peut se retirer pour se sentir en sécurité, protégé des éléments extérieurs. Il peut accueillir le besoin de retour à un état primal de sécurité maternelle.

Tout comme la terre, elle peut être un lieu de fertilité et de transformation. Entre décomposition et recomposition, elle permet une nouvelle croissance. Psychologiquement, elle pourrait être le lieu de naissance d’un processus de transformation intérieure où des aspects de soi sont décomposés et réassemblés pour une croissance et un développement ultérieur.

C’est le lieu à la symbolique forte d’un voyage introspectif pour découvrir des aspects cachés de sa personnalité, des peurs ou des désirs enfouis. C’est un voyage vers l’inconnu de soi-même.

En fonction de la problématique ou le lien étroit que vous entretenez avec cet espace caché du regard, les pistes de décryptage sont nombreuses. A vous d’aller vers celle qui se connecte le plus à votre histoire personnelle.

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